Ataxie cérébelleuse

ATAXIE CEREBELLEUSE HEREDITAIRE DU STAFFORDSHIRE TERRIER AMERICAIN
  

Présentation

L’ataxie cérébelleuse héréditaire de l'american staffordshire terrier (staffordshire terrier américain ou STA) est une maladie spécifique de cette race et des races apparentées (american pit bull terrier et chiens de type pit bull). Elle se traduit par l’apparition de symptômes nerveux, notamment une ataxie, chez le chien adulte. Cette maladie est due à une forme de dégénérescence du cervelet d’origine génétique appelée ceroïde-lipofuscinose neuronale (CLN).
 

ANATOMIE ET ROLES DU CERVELET

 Le cervelet est une partie de l’encéphale. Il est situé derrière les hémisphères cérébraux et au-dessus du tronc cérébral avec lequel il communique par les pédoncules cérébelleux.


 

Localisation du cervelet sur une coupe schématique d'encéphale
 
 
D'après DE LAHUNTA, 1983

Le cervelet est un organe globuleux qui présente à sa surface de nombreux plis formés par les circonvolutions de son cortex (substance grise). Sous le cortex, la substance blanche forme le corps médullaire et contient des noyaux de substance grise. La ramification de la substance blanche dans les plis du cortex donne une image d’arborisation appelée « arbre de vie ».
Comme le reste de l’encéphale, le cervelet est entouré de méninges et baigne dans le liquide cérébrospinal (ou LCS) qui s’insinue entre ses plis.

Le cervelet est un centre de régulation complexe placé en dérivation des grandes voies nerveuses sensitives et motrices. Il exerce principalement trois actions de régulation sur la fonction motrice :

  • Il permet la coordination fine des mouvements : il ajuste, par facilitation ou inhibition, l’amplitude et la force des mouvements des muscles.

  • Il participe au maintien de l’équilibre, en collaboration avec l’appareil vestibulaire.

  • Il participe à la modulation du tonus musculaire en fonction des informations proprioceptives qu'il intègre (contrôle de la posture). 

Le cervelet n’est pas indispensable à la motilité, car l’initiation, le déroulement et l’achèvement des mouvements dépendent d’autres régions de l’encéphale. Néanmoins, en l’absence de régulation par le cervelet, l’activité musculaire est marquée par d’importantes anomalies qui invalident sérieusement l’animal.

Le cervelet joue également un rôle inhibiteur sur l’appareil vestibulaire, et en effet, lors d’atteinte cérébelleuse, un syndrome vestibulaire paradoxal (ou dysharmonieux) peut apparaître. Ce dernier se traduit par des signes neurologiques contradictoires par rapport à un syndrome vestibulaire classique.

 Présentation CLINIQUE

Les caractéristiques de la population touchée et la présentation clinique de la maladie sont des éléments importants à prendre en compte lorsque l’on souhaite identifier une ataxie cérébelleuse chez un chien. 

Animaux concernés
 

La présentation clinique et les lésions dégénératives du cervelet présentes lors de l'ataxie cérébelleuse héréditaire du STA ont également été observées chez des chiens american pit bull terrier (race non reconnue en France) et des chiens de type pitbull (toutes ces races partagent des origines communes).

L’anomalie génétique responsable de la maladie chez le STA est actuellement recherchée chez d’autres races de chiens atteints de dégénérescence cérébelleuse, notamment chez les races apparentées au STA.

 

Cette maladie se déclare à l’âge adulte. Les premiers symptômes apparaissent entre 3 et 5 ans dans une grande majorité des cas, mais la maladie peut se déclarer chez des chiens âgés de 1 à 9 ans. 

 Les mâles et les femelles sont touchés dans les mêmes proportions.

 Signes cliniques
 

L’ataxie cérébelleuse héréditaire est une maladie d’apparition insidieuse. Elle se manifeste d’abord par une « maladresse », voire une anomalie faible de la démarche, surtout lors de certaines situations difficiles comme la montée ou la descente d’un escalier, les changements de direction ou la nage (risque de noyade). Cette maladresse est l’expression de l’ataxie débutante. A ce stade précoce de la maladie, certains chiens sont quelquefois victimes de crises d’opisthotonos de quelques secondes ou de tressaillements de tout le corps, et se raidissent durant leur sommeil. Au fur et à mesure que la maladie évolue, l’ataxie devient permanente et de plus en plus marquée.

 

Elle se traduit par :

  • une hypermétrie : le chien marche « au pas de l’oie », c’est à dire qu’il marche en levant de façon exagérée ses membres, en particulier ses antérieurs
  • une astasie : trouble de l’équilibre au repos. Le chien a des difficultés pour se tenir debout et présente une augmentation de son polygone de sustentation
  • une abasie : difficulté voire impossibilité de marcher, avec des chutes possibles des deux côtés (ataxie symétrique)
  • un balancement du corps et de la tête

Les chiens atteints peuvent être victimes de raideurs des membres postérieurs se traduisant par des bonds de lapin lors de la course (les deux membres postérieurs sont en appui sur le sol au même moment), par des sauts de hauteur exagérée et par des chutes lorsque le chien se dresse sur ses postérieurs.

Des tremblements intentionnels grossiers ont été observés chez quelques chiens atteints d’ataxie cérébelleuse héréditaire, en particulier à la suite de mouvements brusques ou lorsque le chien est excité.

La proprioception est généralement normale, mais elle peut être diminuée sur les postérieurs dans de rares cas. La force motrice et les réflexes spinaux sont normaux.

Certaines anomalies sont également notables au niveau de la tête. En effet, les animaux atteints peuvent avoir la tête penchée à droite ou à gauche de manière transitoire. La réponse de clignement à la menace peut être diminuée ou absente, alors que la vision et la motricité faciale sont conservées. Ce dernier signe est d’apparition plutôt tardive dans l’évolution de la maladie.

Un nystagmus vertical, horizontal ou rotatoire est souvent présent. Chez la plupart des chiens, ce signe n’apparaît que lors de certaines stimulations (comme faire rouler le chien sur le dos par exemple). Cependant, certains chiens le déclenchent spontanément. Les nerfs crâniens ne présentent pas de déficit.

Dès les premiers stades de la maladie, les signes neurologiques sont exacerbés chez tous les chiens par l’excitation, le soulèvement de la tête, le roulement sur le dos, les mouvements brusques ou les situations difficiles comme les obstacles à franchir, les virages ou les pentes. Au fur et à mesure de la progression de la maladie, ces situations peuvent provoquer chez les chiens des chutes ou des crises d’opisthotonos.

L’ataxie cérébelleuse héréditaire progresse sur plusieurs mois voir sur plusieurs années. Les chiens atteints deviennent incapables de se déplacer après une durée d’évolution qui peut aller de 6 mois jusqu’à plus de 8 ans. Pour la majorité des chiens, cette période dure entre 2 et 4 ans.

La progression de la maladie se fait parfois lors de crises durant lesquelles les symptômes s’aggravent rapidement. On observe alors, entre les crises, de longues périodes où les signes neurologiques restent stables.

 TRANSMISSION DE LA MALADIE

L’origine génétique de l’ataxie cérébelleuse héréditaire a rapidement été soupçonnée à cause de la fréquence élevée de la maladie dans certaines familles de STA, par rapport à la population générale de la race. Cette hypothèse a ensuite été confirmée par exclusion des autres causes possibles pour la maladie.

Les gènes, unité de structure et de fonction du patrimoine génétique des individus, peuvent se trouver sous différentes formes ou variants appelés allèles. L'allèle normal ou "sauvage" peut subir des mutations dans sa séquence et donner un ou plusieurs allèles mutés. Certains allèles mutés sont responsables d'anomalies et de maladies, comme c'est le cas dans l'ataxie cérébelleuse héréditaire.

Chaque individu possède deux allèles pour chaque gène, l'un venant du père et l'autre de la mère. Si ces deux allèles sont identiques, l'individu est dit homozygote pour ce gène. S’ils sont différents, l’individu est dit hétérozygote pour ce gène.

La transmission de l'ataxie cérébelleuse héréditaire se fait selon un mode autosomique récessif. Cela signifie que le gène responsable de la maladie se situe sur un autosome (chromosome non sexuel) et donc que mâles et femelles sont atteints dans les mêmes proportions. Le caractère récessif implique qu’un chien ne peut développer la maladie que s’il possède les deux copies défectueuses (allèles mutés) du gène en cause. Les hétérozygotes portent un exemplaire de l'allèle muté mais ne développent pas la maladie, ils sont qualifiés de "porteurs sains".

Statut génétique et développement de la maladie

Un seul gène et une seule mutation sont en cause dans l'ataxie cérébelleuse héréditaire du STA. Trois statuts génétiques sont donc possibles vis-à-vis de cette maladie.

 

Déclaration de la maladie en fonction du statut génétique de l'animal

Un chien homozygote muté développera la maladie au cours de sa vie, mais il est impossible de prédire à quel âge.

L’hétérozygote est un porteur sain, il ne développera pas la maladie. En revanche, tout comme l’homozygote muté, il possède l'allèle muté et peut le transmettre à sa descendance.

Le statut génétique de chaque chien peut maintenant être déterminé grâce au test génétique.

 Transmission à la descendance

Chaque chiot reçoit, pour le gène responsable de la maladie, un allèle de son père et un allèle de sa mère. Le statut génétique des descendants et donc la proportion de chiots qui développeront la maladie par portée dépendent du statut génétique des parents.

Les accouplements entre homozygotes sauvages et entre homozygotes mutés ne donnent que des chiots au statut génétique identique à celui de leurs parents pour la maladie :

  • homozygote sauvage (+/+) X homozygote sauvage (+/+) : seul l’allèle sauvage (+) est apporté par les parents, donc 100% des chiots seront homozygotes sauvages (+/+) et ne développeront pas la maladie.

  • homozygote muté (-/-) X homozygote muté (-/-) : seul l’allèle muté (-) est apporté par les parents, donc 100% des chiots seront homozygotes mutés (-/-) et développeront la maladie à l’âge adulte.

Les autres cas de figures sont exposés dans les tableaux suivants. A chaque fois, le signe + désigne l’allèle sauvage, et le signe - désigne l’allèle muté. Les proportions des statuts génétiques pour chaque portée ne constituent que des moyennes statistiques, elles ne reflètent pas forcément les proportions que l’on peut obtenir sur une portée réelle, où la distribution des allèles est aléatoire.

Accouplement d’un chien homozygote sauvage (+/+) et d’un chien hétérozygote (+/-)
 

Le statut homozygote du mâle et hétérozygote de la femelle est choisi ici à titre d’exemple ; on obtient évidemment le même résultat si on inverse les statuts (mâle hétérozygote, femelle homozygote). Le même raisonnement peut s’appliquer pour tous les croisements.

On obtient avec cet accouplement 50% de chiots homozygotes sauvages, et 50% de chiots hétérozygotes porteurs sains. Aucun des chiots ne développera donc l’ataxie cérébelleuse héréditaire. Cependant, ce type de croisement continue à propager l’allèle muté (-) car les chiots porteurs sains pourront à leur tour transmettre la copie défectueuse du gène à leur descendance.

Accouplement d’un chien homozygote sauvage (+/+) et d’un chien homozygote muté(-/-)



 

Cet accouplement produit 100% de chiots hétérozygotes. Aucun des chiots ne développera d’ataxie cérébelleuse héréditaire mais tous pourront transmettre l’allèle muté à leur descendance.


Accouplement d’un chien hétérozygote (+/-) et d’un chien homozygote muté (-/-)

 

 

Cet accouplement produit 50% de chiots hétérozygotes, et 50% de chiots homozygotes mutés. La moitié de la descendance developpera les symptômes, l’autre moitié ne sera pas malade mais transmettra la copie défectueuse du gène.

L'utilisation de chiens homozygotes mutés comme reproducteurs a longtemps été permise par l'apparition tardive des symptômes. Cela a d’ailleurs facilité la propagation de l'allèle muté dans la race. Grâce au test génétique, l'accouplement des chiens homozygotes mutés pourra être évité. 

 
Accouplement de deux chiens hétérozygotes (+/-)

 



 

Cet accouplement donne 25% de chiots homozygotes normaux, 50% de chiots hétérozygotes, et 25% de chiots homozygotes mutés. Un quart des chiens développera donc une ataxie cérébelleuse héréditaire à l’âge adulte.
 

Les hétérozygotes ne déclarent jamais la maladie et les homozygotes mutés peuvent vivre plusieurs années sans présenter de symptômes. Si on choisit les reproducteurs parmi les chiens non malades, sans connaître leur statut génétique, on prend le risque de  produire des chiots qui seront malades, et on continue à disséminer la mutation génétique au sein de la race.
 

La détermination du statut génétique des chiens destinés à la reproduction par le test génétique est donc indispensable aujourd’hui pour mieux planifier les accouplements et ne plus produire de chiens malades.

Recommandations pour les accouplements

L’ataxie cérébelleuse héréditaire du STA est une maladie héréditaire incurable, qui conduit généralement à l’euthanasie de l’animal. C’est pourquoi il est important de planifier les accouplements de façon à, dans un premier temps, limiter la propagation de l’allèle muté et dans un deuxième temps, éliminer cette mutation du patrimoine génétique de la race.

Mutation responsable de la maladie

La decouverte du gène et de la mutation responsable de l'ataxie cérébelleuse héréditaire du STA, brevetée au niveau international par l'INRA et l'ENVA, a permis la mise au point du test génétique. 

Cette mutation a pour l’instant été retrouvée uniquement chez le STA : le test génétique ne peut être utilisé pour des chiens d'autres races même s'ils présentent des symptômes similaires.